Comprendre les défis posés par la crise du logement
La crise du logement accentue le phénomène des zones tendues et grève lourdement le budget des ménages français, qui ne cesse d’augmenter depuis 1980. Les ménages les plus modestes consacrent ainsi jusqu’à 45% de leurs revenus pour se loger. Le déséquilibre entre l’offre et la demande est telle que certaines études parlent d’un besoin d’au moins 395.000 nouveaux logements chaque année en France.
« Un constat s’impose, partagé par tous les acteurs du secteur : le logement est en crise », admettait sans ambages Elisabeth Borne le 5 juin dernier devant les membres du Conseil national de la refondation sur le logement, conduit par le ministre chargé de la Ville et du Logement, Olivier Klein, depuis novembre dernier.
« On peut évaluer à 395.000 le nombre de nouveaux logements dont la France a besoin chaque année. Le nombre de logements manquants sera de l’ordre de 850.000 à l’horizon 2030 si nous n’accélérons pas les nouvelles constructions », estime le chercheur Sébastien Laye, auteur d’un rapport remarqué sur le logement en France. Et cette crise rend encore plus criantes les disparités observées entre les territoires.
À lire aussi
- Crise du logement : comment font les autres pays ?
- Crise du logement : le pavillon n’est pas mort, mais…
Des causes multifactorielles
Ainsi, pour le géographe Jacques Lévy et le spécialiste des mobilités Jean Coldefy, le contraste est saisissant : l’attractivité des très grandes villes est aujourd’hui plus forte que jamais, du fait « de leur attractivité économique mais aussi des loisirs, des commerces et du tourisme. » En revanche, les petites villes et les villages « cumulent une faible attractivité de leurs aires urbaines et de leurs centres ». Est-ce cette disparité dans l’attractivité des territoires qui explique que 40% des logements sont produits dans seulement 1 % des communes et que 60 % des communes ont construit moins de 4 logements par an entre 2010 et 2020 (étude Idheal, octobre 2022) ?
Les causes sont en réalité multifactorielles, comme le rappelait Pierre-Marie Perrin, directeur des affaires publiques du groupe Hellio. La baisse de la délivrance des permis due à la hausse des coûts des matériaux et à la réticence de certains élus à bâtir sur leur territoire aggravent ainsi la sous-estimation du besoin de logement en France, où 2,4 millions de ménages sont en attente de logement social. Pour Sébastien Laye, des causes plus structurelles persistent : « le logement et la construction sont parmi les secteurs les plus régulés » mais aussi les plus pénalisés par une « surfiscalisation » : chaque année, « 90 milliards d’euros sont prélevés en DMTO, TVA, taxe foncière, IR, etc. » Un coût qui s’ajoute à celui de la transition énergétique. In fine, ce sont les jeunes familles et les ménages aux plus petits revenus qui sont directement pénalisés.
Des réformes insuffisantes
Pour y pallier, le gouvernement propose quelques mesures après avoir pourtant abaissé son budget en la matière : resserrement du prêt à taux zéro, fin du dispositif Pinel, élargissement de la garantie Visale pour les loyers impayés, rachat par la Caisse des Dépôts et par Action Logement de 47.000 logements invendus, renforcement du dispositif MaPrimeRénov’.
Des propositions jugées insuffisantes par Véronique Bédague, PDG de Nexity, qui bien qu’elle salue l’engagement courageux de la Première ministre en faveur du logement, déplore la persistance de deux « mythes élyséens » : l’idée que le logement ne serait pas « un secteur productif » et qu’il serait en outre « un paradis fiscal », alors même qu’il fait au contraire l’objet d’un véritable « matraquage fiscal ». Comment, dès lors, redynamiser le secteur ? En accélérant la décentralisation, en laissant par exemple aux élus locaux plus de latitude dans l’attribution des secteurs éligibles au prêt à taux zéro ? Pour la PDG de Nexity, il faut « faire confiance à l’ensemble des acteurs » du logement.