Comment créer la ville intergénérationnelle ? De l’importance de l’espace public
Créer des espaces accueillants pour les plus âgés fait partie des défis auxquels seront tôt ou tard confrontés tous les territoires français. À l’horizon 2030, les plus de 75 ans seront plus de 6 millions. Leur rendre la ville accessible est l’occasion de repenser nos aménagements et de créer des espaces publics intergénérationnels et inclusifs. C’est aussi une manière de retisser du lien social dans les villes, comme le montre l’exemple de la ville des Mureaux, dans les Yvelines.
Dans un rapport intitulé Nous vieillirons ensemble, datant de 2021, l’auteur, Luc Boussy, recommande au gouvernement de « repenser nos villes et nos territoires pour tous les âges, tous les usages et tous les partages », afin de « permettre aux différentes générations de vivre ensemble et harmonieusement dans nos quartiers ». Au-delà de l’adaptation des logements au grand âge, c’est en effet toute la ville qu’il est nécessaire de repenser pour l’adapter à tous les âges de la vie. Une telle adaptation, bien loin de profiter seulement aux personnes âgées, fera de nos villes des espaces plus inclusifs pour tous et favorisera le vivre-ensemble. Les 75-84 ans étaient 4,1 millions en 2020. En 2030, ils seront 6,1 millions, soit une augmentation de près de 50 %. Des chiffres qui disent l’urgence à adapter nos villes au vieillissement de la population.
Faire la ville intergénérationnelle par la mutualisation des équipements
« L’intergénérationnel ne concerne pas que le logement, il y a aussi toutes les activités qui doivent être adaptées à tout le monde, y compris aux plus âgées », confirme Luis Sainz, conseiller municipal délégué à l’urbanisme à la ville des Mureaux, dans les Yvelines. La commune de 33 000 habitants se soucie du sujet de la ville intergénérationnelle depuis plusieurs années, même si le taux de personnes de plus de 60 ans (17,9 %) est plutôt bas par rapport à d’autres territoires. François Garay, le maire de la ville depuis 2001, s’est intéressé depuis longtemps au sujet. Il a participé à la création de l’agence interdépartementale de l’autonomie, une structure unique en France qui soutient des projets innovants en faveur de l’autonomie des personnes âgées.
Pour intégrer les seniors dans la vie de la cité, la ville des Mureaux a fait le pari d’une utilisation mixte des équipements publics. L’association de yoga, qui dispense des cours aux seniors, utilise ainsi la cour de l’école élémentaire tous les week-ends, lorsqu’elle n’est pas utilisée par les enfants. Le pôle Molière, inauguré en 2014, est conçu comme un équipement polyvalent et multi-activités qui rassemble sur un même site un groupe scolaire, mais aussi plusieurs salles multifonctions, un centre de loisirs, un café, une ludothèque ainsi qu’une salle de motricité. « Tout un système a été créé pour mutualiser les équipements entre différents publics, des plus jeunes aux plus âgés », poursuit Luis Sainz.
Le problème de la mobilité pour la ville intergénérationnelle
Au-delà des équipements, la mobilité constitue le problème majeur auquel sont confrontés les seniors. Contrairement aux idées reçues, une ville adaptée aux personnes âgées n’est pas une ville où l’automobile règne en maître. Dans un dossier publié en octobre 2021, intitulé Vieillir en ville, la Fédération nationale des agences d’urbanisme note que « la qualité d’aménagement d’espaces communs favorisant un environnement sécurisant, la marchabilité de la ville et l’adaptation de l’offre de transports collectifs sont […] déterminants pour l’intégration des personnes âgées dans un périmètre de vie favorable ».
Les personnes âgées abandonnent souvent la conduite d’une automobile à la suite d’une infirmité ou d’une baisse de l’acuité visuelle. « Nous avons les activités pour les seniors, il n’y a pas de problème de ce côté-là. Mais les déplacements posent problème », explique encore Luis Sainz. Pour profiter des équipements, les personnes âgées doivent être logées au plus près du cœur de ville, des équipements et des commerces.
« Si une résidence seniors est située à 600 m du centre-ville et de ses commerces de proximité, pour certaines personnes âgées, qui aimeraient rester autonome malgré des problèmes de santé, c’est trop », regrette Davy Ramos, adjoint au maire des Mureaux chargé du développement économique, des commerces, de l’innovation et du cœur de ville.
Des expérimentations sont en cours pour favoriser la mobilité à tous les âges sur le territoire communal. Une navette autonome est notamment en phase de test sur le site d’ArianeGroup, l’employeur principal de la commune. Les élus locaux espèrent la voir circuler un jour dans les rues des Mureaux.
Reste que rendre la ville et les espaces publics accessibles à tous représente une tâche immense. « Adapter les voiries à toutes les formes de handicaps demande beaucoup d’argent… et beaucoup de temps ! Il y a encore énormément de travail pour tout adapter », constate Davy Ramos.
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La marchabilité pour rendre la ville inclusive
Quand la ville interroge les aînés pour leur faire esquisser leur vision de l’espace public idéal, ces derniers indiquent une nette préférence pour une installation accrue de bancs publics. Un mobilier urbain qui peut transformer n’importe quelle place en espace public intergénérationnel en permettant aux seniors de se reposer après un trajet à pied qui peut se révéler fatigant. Encore faut-il en prévoir suffisamment, et les maintenir en bon état pour qu’ils puissent être utilisés et utilisables quelles que soient les conditions. « Nous avons également créé une liaison douce sur 7 km, qui est très utilisée et appréciée par les seniors », ajoute encore Davy Ramos.
Toujours pour promouvoir la mobilité des seniors, la ville des Mureaux a mis en place un service de prêt de vélos électriques pour les plus âgés, qui peuvent les utiliser pour se déplacer. Un bon moyen de rester en forme malgré l’âge sans pour autant peiner dans les côtes.
La ville intergénérationnelle, enfin, n’est pas qu’une question d’infrastructures. L’entraide entre les citoyens est tout aussi importante pour inclure les plus âgés dans la vie de la cité. « Pendant la crise sanitaire, nous avons mis en place un service d’entraide entre jeunes et seniors, appelé ‘les Muriautins solidaires’. Les jeunes pouvaient réaliser de menus services pour les anciens qui avaient peur de sortir à cause de la maladie », explique l’adjoint chargé du développement économique. Un service qui pourrait être pérennisé pour offrir une ville toujours plus inclusive.
Photograhie ©Arnaud Paillard