Le bureau, élément central de la ville… et de la stratégie d’entreprise
Un temps présenté comme une potentielle conséquence des conditions de travail pendant la crise sanitaire, l’exode urbain massif n’a pas eu lieu. En période de retour sur site, les locaux de centre-ville restent une valeur-refuge, tant pour les entreprises que pour leurs salariés.
En plus de modifier en profondeur la relation des Français à la consommation, avec notamment l’explosion des produits dits de « seconde main », la pandémie et ses confinements successifs ont évidemment chamboulé leur rapport au travail. Et dans le même temps, à la fois réveillé leur besoin de reconnexion avec la nature et animé leur volonté de disposer d’un logement plus spacieux. La conséquence directe de ces tendances : la démocratisation, notamment pour les fonctions tertiaires, du travail en distanciel. « Tous les Parisiens ne sont pas partis à la campagne, bien au contraire, tempère néanmoins Lucile Mettetal, géographe à l’Institut Paris Région, organisme chargé de la planification de l’aménagement de l’Île-de-France, dont l’une des missions est d’anticiper les grandes évolutions sociales. 85 % des déménagements s’opèrent toujours au sein de la région, mais c’est vrai qu’on observe une hausse, certes discrète, des déménagements vers la troisième couronne – les départements limitrophes de l’Île-de-France – et dans le reste du pays (…). Comme les trajets sont moins pénibles quand on se rend au bureau deux ou trois jours par semaine, le télétravail a permis de concrétiser quelque part ces envies d’ailleurs. »
« Le confinement n’a rien révolutionné »
Mais ce serait une erreur de croire que les grandes villes, Paris en tête, n’attirent plus, et que le télétravail généralisé peut se substituer à tout. Ainsi, d’après le baromètre 2020 du Paris Workplace, mené par la Société Foncière Lyonnaise (SFL) et l’IFOP auprès de personnels salariés en Île-de-France, en septembre 2020, 86 % des employés souhaitaient idéalement faire au moins un jour de télétravail dans la semaine. Une conséquence du confinement ? Faux, car il s’agit d’une donnée identique à ce qui avait été recueilli en février 2020, signe que le désir d’effectuer occasionnellement ses tâches depuis chez soi était déjà présent. Seul le volume a légèrement augmenté. En septembre, les salariés souhaitaient « dans l’idéal » que leur employeur consente à leur céder deux jours de travail à distance par semaine en moyenne, contre 1,5 six mois plus tôt. Directeur général adjoint Asset management et Investissements chez SFL, Aude Grant a été le témoin privilégié des évolutions de l’immobilier tertiaire parisien. « Les chiffres montrent que le confinement n’a rien révolutionné. En revanche, l’expérience du télétravail « forcé » a fait prendre conscience à beaucoup, des avantages apportés par les bureaux. » Le siège social se veut à la fois vecteur de l’image de marque d’une entreprise et un émulateur pour l’implication de ses équipes. Il amène convivialité, effervescence créative, productivité, réactivité… À ce titre, les locaux de centre-ville semblent encore avoir la cote. « Nous l’avons vu lors des précédentes éditions du ParisWorkPlace, qui ont mis en avant l’importance des « sièges totems », garants des valeurs de l’entreprise. Les bureaux jouent un rôle crucial dans les relations entre salariés au cours d’une journée de travail », appuie Aude Grant.
Pour à lire aussi
À lire aussi
La fin du mythe du quartier d’affaires ?
Selon elle, les murs de l’entreprise restent l’endroit où se crée le lien qui nourrit l’engagement des salariés dont leur performance découle. « Une entreprise, aussi, doit retrouver ses racines. L’immobilier, c’est cet endroit ‘incarné’ qui permet de ‘faire le plein’ d’échanges transversaux, de management, de leadership. » Il ne s’agit pas d’un point de vue partagé uniquement par la cabine de pilotage du navire, mais aussi par ceux qui embarquent à bord. Pour preuve un an plus tard, selon le baromètre ParisWorkPlace 2021, 51 % des salariés sondés déclaraient que les bureaux étaient un élément moteur dans leur choix de rejoindre leur actuel employeur, un taux qui atteint 68 % chez les moins de 35 ans. Dans la même étude, il apparaît que la vie sociale est la première motivation pour se rendre sur site (46 %), devant la perspective de faire partie d’une équipe (38 %) et travailler en commun (37 %). En parallèle, 67 % des moins de 35 ans considèrent que leurs collègues sont aussi leurs amis. En conclusion, si le bureau fait office de « réseau social » pour les jeunes salariés, il continue de remplir sa fonction première : c’est à dire qu’il reste le lieu où on se sent le plus performant pour travailler.
Qui dit importance des bureaux dit alors importance de leur implantation. « La centralité a toujours été un critère déterminant dans l’attractivité d’un actif, pour ses locataires futurs et actuels. Ainsi de nombreuses entreprises à la recherche de bureaux à louer dans Paris continuent à se tourner vers les quartiers centraux comme la Madeleine, l’Étoile ou encore la gare Saint-Lazare ou la toute proche banlieue »”, indique-t-on du côté de Cushman & Wakefield, acteur mondial des services dédiés à l’immobilier d’entreprise. 71 % des salariés, s’ils en avaient le choix, aimeraient ainsi travailler dans un quartier mixte, comprenant bureaux et logements. A contrario, ils sont seulement 29 % à plébisciter les quartiers d’affaires (chiffres ParisWorkPlace 2021). Plus de 60 % du panel estime par ailleurs qu’il lui arrive, dans une journée de travail, de s’absenter de son bureau pour effectuer une course à proximité. Cela souligne l’importance d’établir ses quartiers dans une zone non loin de diverses commodités, sans parler de la proximité avec les lieux de loisirs post-travail. Ajoutez à cela le critère accessibilité via des modes de déplacements doux (vélo, marche, transports en commun), et vous obtenez une combinaison mobilité/centralité qui est aujourd’hui plus que jamais incontournable dans l’immobilier de bureau. Un postulat qui se confirme par les prix : en effet, le mètre carré aux abords des stations du futur Grand Paris Express continue son ascension. En décembre dernier, le coût de l’immobilier dans les quartiers concernés affichait une hausse de + 2,2 % en moyenne en un an, contre + 1,7 % pour leurs villes respectives.