RER Métropolitain : « Transposer un modèle d’aménagement sans réfléchir à son adaptabilité est une erreur »
Présentés en novembre dernier comme les piliers d’une « nouvelle donne ferroviaire » devant permettre à terme une nette réduction du recours à la voiture, les RER métropolitains voient désormais leurs contours se préciser. L’analyse de Guy Burgel, professeur de géographie urbaine et d’urbanisme à l’université de Paris Nanterre.
Le Gouvernement a récemment contribué à lever une partie des questionnements qui subsistent autour de ce grand projet, confirmant, le 24 février, l’ambition présidentielle de faire du déploiement de réseaux de RER métropolitains le projet phare d’une « Nouvelle donne ferroviaire ». L’objectif annoncé ? Réduire l’usage des transports individuels, notamment dans les espaces périurbains des métropoles ciblées. Pour Guy Burgel, professeur de géographie urbaine et d’urbanisme à l’Université de Paris-Nanterre, le constat est le bon. « La grande question à résoudre, c’est comment traite-t-on les mobilités pour éviter le grand emploi de la voiture ? », explique-t-il. « Plus on s’éloigne du centre [des agglomérations], moins les transports collectifs sont employés, avec toutes les conséquences que l’on sait sur l’environnement et le climat ».
« Parler de RER pour les métropoles est un abus de langage »
Pour autant, ce dernier se montre dubitatif sur ce grand projet de planification environnementale, à commencer par la terminologie utilisée. En cause, selon lui, une trop grande dissymétrie entre ce qu’est historiquement et originellement le RER parisien, et les projets qui ont commencé à voir le jour dans les métropoles concernées. « Pour Bordeaux, par exemple, on parle de 3 lignes, de 300 km et de 38 000 voyageurs par jour », détaille Guy Burgel. « À Paris, il y a 5 lignes, ce qui est quand même quelque chose de différent. Au lieu des 300 km, on est sur 600 kilomètres de réseau. Et rien que la ligne A du RER francilien traite plus d’un million de voyageurs par jour ».
Le professeur s’inquiète également de voir en ce projet « un rattrapage psychologique d’un supposé déficit provincial » vis-à-vis de la région capitale. La volonté affichée du gouvernement de vouloir reproduire le modèle francilien de transports urbain dans les métropoles régionales a d’ailleurs été réaffirmée par l’annonce selon laquelle la Société du Grand Paris apporterait son expertise dans le développement des projets, auprès de SNCF Réseau. Pourtant, « cette idée de transposer un modèle d’aménagement parce qu’il aurait réussi quelque part et dans un temps différent, sans réfléchir à l’adaptabilité du modèle, est une erreur », alerte Guy Burgel.
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Une réponse peu adaptée à la « demande réelle » ?
Pour le géographe, « l’intérêt même du réseau express régional francilien était de traiter, à l’origine, dans les années soixante du XXe siècle, des masses de population importantes sur des itinéraires radiaux, périphérie-centre ». Or, « avec la dissémination des zones d’emploi, avec la féminisation de l’emploi qui a signifié plusieurs lieux de travail pour un seul logement, on a de plus en plus des trajets tangentiels, de banlieue à banlieue », ce qui rend le réseau francilien moins performant, explique-t-il. Dans une large mesure les nouvelles lignes en rocade en proche banlieue du Grand Paris Express de la Société du Grand Paris répondent à ces nouvelles données. En outre, « une grande partie des mobilités dans les zones périurbaines sont des mobilités de proximité : des enfants à conduire au collège, aux activités sportives, culturelles… ». Pas sûr, donc, que le RER, qui rythme des gros débits avec une assez grande régularité dans les flux géographiques et spatiaux, ainsi que dans leurs temporalités, soit la réponse adaptée à « une demande réelle qui est peu dense, aléatoire dans ses itinéraires et aléatoire dans ses temporalités », explique le chercheur, qui n’entend pas pour autant céder à l’immobilisme et à l’inertie.
Un modèle à inventer : « les transports publics à la demande »
« La question centrale de l’égalité, dans le droit à la ville, à la culture, à la santé, repose sur la mobilité, et les réseaux de transport en sont la résultante, ou la causalité », insiste-t-il. Pour répondre à cette problématique, le professeur de géographie urbaine est persuadé qu’un modèle est à inventer. Pour lui, il est « tout à fait possible d’imaginer que dans ces zones périurbaines, à faible densité de population, à fort aléa spatial et temporel, il y ait des transports publics à la demande, sous forme, par exemple, de minibus qui fonctionneraient selon des itinéraires regroupés, gérés par des systèmes informatiques : la technologie au service de l’imagination plus que le transfert de méthodologie du dernier siècle ! ». À Bordeaux, le projet de RER Métropolitain ne se limite pas au ferroviaire et implique la création de lignes de cars express, de manière à « améliorer les connexions entre Bordeaux Métropole et les territoires limitrophes ». À voir, désormais, si la déclinaison opérationnelle de ces projets dans chaque grande agglomération prendra la direction appelée par Guy Burgel.