Ces collectivités qui innovent face au manque de logements
Préoccupation majeure des Français, la question du logement est également celle des élus. Si la mise en chantier de nouveaux logements demeure indispensable pour répondre à la demande, les territoires confrontés à une raréfaction du foncier ou à une diminution de leurs ressources explorent régulièrement de nouvelles techniques et dispositifs pour aider leur population à se loger. Tour d’horizon.
Face à des réalités territoriales, des besoins et des populations diverses, les collectivités innovent pour proposer des solutions à la crise du logement adaptées à leurs contextes. Les chiffres paraissent en effet alarmants : depuis un an, tandis que le volume des transactions a baissé de 10,5 %, les prix ont, eux, augmenté de 4,6 % dans l’ancien et de 4,7 % dans le neuf. Quatre Français sur cinq considèrent la part de leur budget consacrée à se loger comme importante. Les jeunes figurent parmi les populations les plus touchées. Le Rapport de l’Assemblée nationale sur le logement et la précarité des étudiants, des apprentis et des jeunes actifs daté de décembre 2021 souligne qu’ils ont un taux d’effort net consacré au logement deux fois supérieur à la population générale.
Face à la crise du logement : miser sur l’existant
Entre le manque d’espaces et les réglementations ZAN, il est parfois impossible d’augmenter le volume de nouvelles constructions. Les solutions à la crise du logement doivent donc être ailleurs. Construire, oui mais sur l’existant plutôt que sur des terrains vacants. Densification, surélévation, réhabilitation de bureaux ou d’espaces industriels en logements, les exemples sont nombreux dans les zones denses. À Paris, le bailleur social Paris Habitat transforme en ce moment une ancienne fourrière de la porte de la Villette en 75 logements sociaux. Toujours dans la capitale, la tour Watt, construite dans les années 70 et qui abritait un foyer de cheminots, a vécu une surélévation : 5 nouveaux étages en bois et 19 nouveaux logements sociaux sont ainsi créés. Cette solution, bien qu’efficace, est néanmoins coûteuse. 11 millions d’euros ont dû être mobilisés dans le cas de la surélévation de la tour Watt.
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Mobiliser le logement vacant
Les métropoles de Lille, Strasbourg, Rouen, Grenoble et de Lyon, les villes de Roubaix, Paris et Ajaccio, la Communauté de Communes Ardennes Thiérache et le Conseil départemental de la Meuse… En novembre 2022, ces 10 collectivités se sont réunies pour former l’association nationale “Lutter contre le logement vacant”. Leur objectif : ramener le bâti inutilisé sur le marché de la location ou de la vente.
“Il y a 1,1 million de logements vacants depuis plus de 2 ans en France, dont au moins 300 000 dans les territoires tendus” explique Suzanne Brolly, vice-présidente de l’Eurométropole de Strasbourg et présidente de l’association.
Pour repérer les logements vacants, les collectivités peuvent déjà utiliser l’outil “Zéro Logement Vacant”. Toutefois, il reste encore difficile de convaincre les propriétaires de remettre leurs biens sur le marché. “Aujourd’hui, les aides proposées aux propriétaires pour mettre en location des logements vides ne sont pas assez attractives, et ne permettent donc pas de capter ces logements.” explique Suzanne Brolly. L’association prévoit donc d’aider l’État à améliorer ces dispositifs.
“Beaucoup de dispositifs existent mais les propriétaires ne les connaissent pas et ne les comprennent pas. À Roubaix, nous les accompagnons pour être sûrs qu’ils ne se perdent pas. Quelle que soit leur problématique, nous les orientons vers les personnes qui pourront les aider” explique Camille Vasseur, responsable du service dédié à la lutte contre les logements vacants de la Ville de Roubaix. La commune dispose en effet d’un service entièrement consacré à la lutte contre le logement vacant. En six mois, elle est ainsi parvenue à faire retrouver un occupant à une quinzaine de logements.
En milieu rural, des solutions sur mesure à la crise du logement pour des besoins spécifiques
En milieu rural, la crise du logement rencontre souvent celles de l’emploi et du déclin démographique. Dans ce contexte spécifique, la meilleure réponse vient naturellement de l’échelle locale. À Lamontjoie, petite commune de 600 habitants du Lot-et-Garonne, le maire Pascal Boutan, s’est associé au bailleur Ciliopée pour créer Apprentoit, un dispositif sur mesure capable de répondre à toutes ces crises. Le concept : loger les jeunes apprentis près de leurs lieux de travail, au cœur des centre-bourgs, dans des logements adaptés et dont le loyer ne dépasse pas 100 € par mois.
Ici aussi, le bâti vacant est mobilisé. Pour accueillir le dispositif sur sa commune et loger deux apprentis, le maire s’est résolu à vendre un bâtiment inutilisé au bailleur social pour 1 euro symbolique. Un effort finalement léger face aux gains pour le village. “Nous avions 3 objectifs : réhabiliter un bâtiment, y loger des personnes (surtout des jeunes) et ne pas s’endetter avec les travaux. En faisant don d’un bâtiment pour le dispositif Apprentoit, nous avons rempli tous ces objectifs. Si on l’avait vendu à un acheteur classique, on en aurait peut-être tiré 10 000 € mais on n’aurait pas été acteurs de sa destination.” détaille Pascal Boutan. Une initiative inspirante pour redynamiser les bourgs et apporter une solution à la crise du logement adaptée aux jeunes.