À Lyon, pilote de la ville bas carbone, un immeuble sans chauffage ni climatisation,
Entre la Saône et le Rhône, le nouveau quartier Lyon Confluence va accueillir le premier bâtiment sans chauffage ni climatisation en France, où la température reste comprise toute l’année entre 22 et 26 degrés. Samuel Linzau, directeur général de la Société Publique Locale, revient sur le projet, ses innovations techniques et les défis à relever pour construire la ville bas carbone à plus grande échelle.
Qu’est-ce qui a distingué le concept de l’immeuble Essentiel sur l’ensemble des réponses à consultation ?
Samuel Linzau : La proposition de Nexity sur les îlots B1 et C1 portait d’abord sur la mixité d’usages, avec 12 000 m² de locaux destinés à l’enseignement supérieur. Ces îlots sont en mesure de proposer un parcours résidentiel au plus grand nombre, dans la mesure où ils incluent des logements en baux réels solidaires à hauteur de 25% de la programmation. C’était un attendu de la Ville de Lyon et de la métropole. D’autre part, les cahiers des charges établis par la Société Publique Locale se révélaient exigeants d’un point de vue environnemental, avec des seuils élevés de performance énergétique et de biodiversité.
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Comment ces exigences en matière de sobriété énergétique et de confort se sont conjuguées dans la phase opérationnelle ?
Samuel Linzau : La performance environnementale qui est exigée dans le cahier des charges s’évalue à l’échelle de l’ilot. C’est donc l’ensemble des bâtiments qui atteint une haute performance environnementale. Au sein de cet ilot, le bâtiment Essentiel constitue une promesse : dans le cadre de la transition écologique, il s’agit de concilier confort d’usage et diminution des dépenses énergétiques, d’autant plus nécessaire en cette période de crise que nous traversons. Le projet allie également une esthétique sobre, qui constitue une réponse aux problématiques environnementales. Concrètement, le bâtiment sera érigé avec des murs en brique creuse, ainsi que des matériaux biosourcés comme la chaux, ce complexe constitue un bon isolant. Ces modes constructifs permettent de maintenir une bonne inertie thermique, ainsi qu’un confort acoustique qui participe du bien-être résidentiel.
Y a-t-il des freins à l’exécution d’un bâtiment sans réseau de chaleur ?
Samuel Linzau : Comme dans toute démarche d’innovation, il faut composer avec un certain nombre de contraintes. D’abord, le montage juridique s’est opéré sur la base d’un permis d’innover, qui encourage l’exécution de nouveaux modes constructifs. D’un point de vue financier, il a fallu trouver une adéquation dans le bilan de l’opération. En tant qu’aménageur, nous disposons du levier des charges foncières, dont nous limitons le montant pour laisser aux opérateurs une marge de financement de l’innovation.
L’immeuble Essentiel est conçu pour durer : qu’est-ce qui fait sa réversibilité ?
Samuel Linzau : Au-delà des matériaux qui composent le bâtiment, c’est sa conception qui permet d’inscrire son potentiel d’usage dans la durée. Par exemple, le poids du bâtiment est repris par la façade et un anneau central permet le passage des flux. Les espaces intérieurs sont conçus de manière à recloisonner les volumes et les ouvrir selon les besoins. Autrement dit, la typologie d’un logement peut être reconfigurée selon les évolutions familiales et sociétales. Dans cette perspective de long terme, il faudra également organiser le suivi des usages : nous ferons un premier retour d’expérience fin 2026.
Comment la conception des bâtiments peut permettre aux villes de devenir plus sobres en matière de consommation énergétique ?
Samuel Linzau : La meilleure énergie est celle que l’on ne consomme pas : cela implique de privilégier la réhabilitation à la démolition-reconstruction. Concernant le bilan carbone, il faut distinguer la phase de construction et la phase d’exploitation. Ainsi, construire un bâtiment bas carbone, comme l’immeuble Essentiel, nécessite de dépasser le raisonnement en coût immédiat. En effet, la valeur d’investissement initiale, bien qu’importante, est amortie grâce à la conception bioclimatique et aux économies d’énergie qu’elle génère. Entrent notamment en compte les matériaux, de réemploi, biosourcés et extraits localement. L’échelle du quartier est pertinente pour penser la ville face au changement climatique, à travers le déploiement d’îlots de fraicheur comme les cours jardinées, et la maximisation de l’ensoleillement. Enfin, il faut prendre en compte des transitions de plus en plus rapides dans les usages, en replaçant l’utilisateur final au cœur des projets pour mieux les concevoir. Par ailleurs, la SPL Lyon confluence est engagée et très active dans plusieurs programmes européens. Les expériences qui sont éprouvées à Lyon inspirent au-delà de nos frontières.