Vélo, covoiturage, marche… comment le Grand Paris Express peut accélérer l’usage des nouvelles mobilités
Les espaces publics autour des gares du Grand Paris Express pourraient être l’occasion d’un déploiement progressif des nouvelles mobilités, dans des territoires encore dominés par la voiture.
Annoncé pour 2025-2030, le Grand Paris Express (GPE), par sa taille et l’intensité annoncée de son usage, devrait être emblématique de la transformation urbaine de l’Île de France. Les 200 km de lignes pourront s’appuyer sur un impressionnant réseau de 68 gares, chacune pensée spécifiquement pour le territoire où elle s’implantera.
La conception de ces nouveaux édifices a fait l’objet d’une importante médiatisation. Les espaces publics qui les entourent sont en revanche souvent restés absents des débats. Dans un essai publié en mai 2022 dans la revue électronique spécialisée métropolitiques, un groupe de chercheurs s’alarme de cet impensé, et appelle à faire du Grand Paris Express un levier pour transformer les espaces publics, notamment en mettant l’accent sur le déploiement de nouvelles mobilités, dans des villes où la voiture reste un moyen de transport central.
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Les quartiers de gare, des lieux de mobilité et de vie
Autrefois appelés « pôles gares » les espaces publics autour des gares ont souvent mauvaise réputation. Conscientes des enjeux, la Société du Grand Paris et IDF Mobilités ont missionné en 2017 l’agence TVK pour mener une réflexion à l’échelle du réseau, à l’aide d’une équipe pluridisciplinaire, réunissant des professionnels de l’aménagement et de la mobilité.
La mission s’est concrétisée en 2019 par la sortie du guide « Places du Grand Paris, principes de conception des espaces publics du Grand Paris Express ». Un document qui donne à la multitude des acteurs impliqués des clefs théoriques mais aussi une culture globale pour imaginer les 68 espaces publics du GPE.
Selon David Enon, architecte et urbaniste qui a coordonné cette équipe pour TVK, « les quartiers de gare sont avant tout conçus comme des lieux fonctionnels, qui doivent garantir la meilleure intermodalité ». De fait, le résultat d’une addition d’emprises fonctionnelles (dépose minute, gare routière, parking), ils sont souvent principalement pensés comme de simples lieux de passage, là où il est aussi nécessaire d’en faire des lieux de vie, « dans lequel il se passe autre chose que la mobilité. »
Pour cela, dans un contexte de densification, le guide publié par la Société du Grand Paris insiste sur l’idée de « faire de la place » et d’aménager les lieux pour qu’on puisse aussi y marquer un temps d’arrêt ou s’y rencontrer.
La fonction commerciale des quartiers de gare y est aussi abordée. Les polémiques suscitées par l’implantation de centres commerciaux dans plusieurs gares parisiennes ne sont ici pas à l’ordre du jour. David Enon insiste sur l’équilibre nécessaire dans la répartition de l’espace : « ce qui nous est apparu important c’est de permettre une fonction commerciale pour amplifier la vie de quartier : boire un verre, faire des choses qui simplifient sa journée comme retirer un colis. Et en même temps, il faut faire en sorte que la fonction commerciale n’ait pas tendance à privatiser l’espace public. Les terrasses sont bienvenues, mais si le seul moyen de s’asseoir dans l’espace public c’est consommer, il y a un problème. C’est une question d’équilibre entre les usages gratuits et les usages commerçants ».
Adapter l’espace public aux nouvelles mobilités… qu’il reste à inventer
Covoiturage, vélo, marche à pied, les espaces publics sont aussi l’occasion d’accompagner l’essor des nouvelles mobilités. Dans son baromètre annuel des villes cyclables, la Fédération des Usagers de Bicylette (FUB) soulignait en 2021 que les villes moyennes, et notamment les banlieues, étaient encore dominées par l’automobile.
L’aménagement des nouveaux quartiers de gare doit donc à la fois prendre en compte cette réalité, et anticiper le changement des pratiques de mobilité vers un apaisement de l’espace public : « Pour éviter qu’un quartier de gare soit très vite obsolète, il faut faire en sorte que le projet ne grave pas dans le marbre des solutions de mobilités qui seraient valables dans un temps trop restreint. Il faut considérer que le métro du GPE va plutôt être le début d’une histoire. » En prévoyant par exemple en amont la transformation d’une voie en piste cyclable ou d’un parking en parc.
Dernier écueil souligné par l’urbaniste : l’inscription de ces espaces publics dans les territoires très divers traversés par le GPE. La tâche s’annonce compliquée dans la mesure où la plupart des projets immobiliers seront livrés bien après le lancement du métro. David Enon voit les espaces publics comme des leviers pour permettre le changement, à une échelle qui dépasse largement celle des quartiers de gare : « pour que l’arrivée du métro et l’aménagement du quartier de gare soit le point de départ d’une évolution des pratiques de mobilité, il faut que ces changements puissent se diffuser en profondeur. Le quartier de gare ne doit pas être un isolat, mais quelque chose qui diffuse, rayonne, engendre des évolutions : par exemple en étendant le réseau des pistes cyclables, ou des itinéraires piétons depuis les gares »
Les gares du Grand Paris Express sont des investissements importants pour les collectivités. Elles ont le potentiel pour être les ambassadrices des nouvelles mobilités au-delà des territoires concernés.