Quelles solutions face à la vacance commerciale ? L’exemple de Paris
Concurrence du e-commerce, coût des loyers, essor du télétravail, baisse du tourisme post-Covid : de nombreux facteurs expliquent la multiplication de locaux commerciaux inoccupés à Paris. Face à la vacance commerciale, des solutions, transposables à d’autres villes, permettent de limiter le phénomène.
Une “hécatombe” selon Challenges, des rues “défigurées” d’après le Monde. Ces derniers mois, les articles alarmistes se multiplient pour évoquer la multiplication des locaux commerciaux vides dans Paris. Un tableau sombre qu’il est toutefois possible de nuancer grâce aux données sur la vacance commerciale de la dernière étude de l’Apur (Atelier parisien d’urbanisme).
Réalisée après la levée des restrictions sanitaires, cette enquête parue en juin 2022 concerne 13 506 commerces, services, bars et restaurants. Ces locaux sont présents sur 84 rues parisiennes parmi les plus commerçantes, sélectionnées pour représenter tous les arrondissements. Ces artères ont connu des mois d’instabilité profonde, avec des bouleversements qui perdurent, à l’image de l’adoption du télétravail. L’absence des actifs qui se rendent moins souvent qu’auparavant sur leur lieu de travail se conjugue par ailleurs à celle de certains touristes étrangers, notamment asiatiques.
Les commerces de quartier résistent
Les rues parisiennes sont loin d’être toutes logées à la même enseigne. Pour l’Apur, les évolutions commerciales constatées depuis 2020 varient selon “les secteurs d’activités et le profil des différentes voies, à attractivité locale, de quartier, parisienne ou internationale”. Au niveau des voies dites à très forte attractivité comme l’avenue des Champs-Elysées, la rue de Rennes ou celle de Rivoli, l’Apur constate effectivement un taux de vacance en forte progression : il s’établit à 16 % en 2022, contre 6 % dans les voies à attractivité locale. Ces dernières, à l’image de la rue Lepic (18e) ou Montorgueil (2e), concentrent une forte proportion de commerces du quotidien (épiceries, coiffeurs, fleuristes, tabac…) ainsi que des bars et restaurants.
En résumé, si la crise du Covid-19 a durement touché les zones les plus “internationales”, donc touristiques, on observe une quasi-stabilité au niveau des axes de centralité locale.
“Si certaines enseignes ferment des magasin à Paris, d’autres continuent de s’y implanter en retravaillant leurs modèles, avec des tailles plus adaptées au centre-ville, en particulier dans le domaine de l’équipement de la maison ; ces entreprises tendent à se développer contrairement à celles d’équipement de la personne, comme l’habillement”, analyse Emmanuelle Hoss, directrice générale de la Semaest (Société d’économie mixte de revitalisation du commerce de la Ville de Paris).
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Contre la vacance commerciale, plusieurs solutions
Depuis 2004, la Semaest est missionnée par la ville de Paris pour favoriser l’installation de commerçants et d’artisans dans les quartiers touchés par la vacance commerciale ou la mono-activité. Ces solutions passent par l’acquisition et la rénovation de locaux commerciaux, notamment via l’opération Vital’Quartier, mais également par l’accompagnement des futurs commerçants (gestion de proximité, accompagnement au numérique via le programme CoSto, coaching personnalisé, animations commerciales, …).
La Semaest propose également des “Testeurs de commerce”, qu’Emmanuelle Hoss décrit comme des “incubateurs de projet”. Concrètement, il s’agit de deux locaux, situés dans le 11e et le 10e arrondissement, disponibles à la location pour une durée de 15 jours à 4 mois, afin de tester en conditions réelles sa future activité, avant de signer un bail classique puis lancer son affaire. Cela permet au preneur une prise de risque maîtrisée dans un contexte d’évolution rapide des modes de production et de consommation. Pour la Semaest, le Testeur de commerce permet également d’observer ces évolutions de très près afin d’adapter en permanence son action aux enjeux économiques parisiens.
La responsabilité des propriétaires
Avec bientôt deux décennies d’expertise, la Semaest ne limite pas son intervention qu’à Paris, mais accompagne des collectivités territoriales dans des opérations de revitalisation commerciale. “Nous avons présenté et transmis nos outils dans des villes comme Lyon et Toulouse, et nous sommes montrés en exemple par des capitales européennes, ainsi qu’à Taïwan et en Corée”, énumère la directrice générale de la Semaest. À Paris, cette dernière signe également des protocoles avec des propriétaires privés qui s’engagent à louer à des commerçants de proximité. Les bailleurs ont d’ailleurs leur part de responsabilité dans la multiplication des lieux vacants : “certains propriétaires n’acceptent pas un ajustement post-Covid de leur loyer et préfèrent attendre que les prix remontent pour le relouer plus cher dans six mois : ils pensent être assis sur un tas d’or, ce qui est loin d’être garanti car les temps ont changé, et il faut s’adapter !”, analyse Emmanuelle Hoss.
“Sur la période 2015-2021, nous avons réussi à limiter la vacance commerciale à 3% sur l’ensemble des locaux que nous gérons”, précise Emmanuelle Hoss. Et d’ajouter : “quand nous installons un locataire, c’est pour qu’il reste ! Nous ne sommes pas là pour faire tourner au plus offrant” Selon Le Monde, la ville de Paris envisagerait de faire prochainement évoluer la Semaest qui deviendrait, en collaboration avec la Caisse des Dépôts, un grand opérateur de commerces. L’objectif, déjà testé à plus petite échelle, serait de racheter des fonds vacants afin de les relouer ensuite à de nouveaux commerçants pour un coût modéré.
Plus encore qu’une solution contre la vacance commerciale, de telles initiatives ont vocation à renforcer la diversité de l’offre : l’Apur note que depuis 2020, le nombre de commerçants indépendants à Paris est en baisse, quand celui des grands réseaux d’enseigne progresse.