Les nouvelles reines de Marseille
La disparition progressive des abeilles et des pollinisateurs n’est aujourd’hui plus à démontrer. Elle est l’un des symptômes de la crise que traverse l’humanité dans son rapport à la nature. Si les abeilles sont menacées, nous le sommes aussi tant celles-ci occupent un rôle central dans la chaîne du vivant et de la biodiversité.
Si l’apiculture évoque en premier lieu le monde rural, des initiatives se multiplient au sein des villes pour contribuer à la survie des abeilles. Lieu où toutes les mutations techniques et sociétales se succèdent depuis la révolution industrielle, l’espace urbain peut lui aussi contribuer à préserver la nature à sa manière. Car la fonction essentielle assurée par les abeilles a également trouvé une place cruciale dans notre économie mondialisée, notamment par les services qu’elle rend à la production alimentaire de la planète, dont 75% est assurée par des insectes pollinisateurs. De manière globale, le montant des « services » assurés par ces dernières se chiffre environ chaque année à 265 milliards de dollars. Pour tenter d’endiguer leur déclin, différentes idées et solutions ont été développées en France.
Donner aux abeilles un rôle central dans le quartier
De plus en plus de ruches peuplent les toitures et les espaces verts des grands centres urbains depuis déjà plusieurs années. Loin d’être une simple fantaisie, elles assurent une vraie fonction pour contribuer à leur manière à sauver les abeilles d’un péril annoncé. À travers diverses opérations dans les villes et en régions, Nexity prend part à cette démarche en implantant des ruches sur certains de ses immeubles. Comme à Marseille, avec Les Docks Libresdans le quartier de Saint-Mauront, où les abeilles cohabitent dans un écosystème local avec des habitations, mais aussi des commerces, des bureaux, ou même une crèche. L’installation de ruches dans les villes doit cependant impérativement être maîtrisée et conduite par des professionnels, afin de bien poursuivre l’objectif recherché.
Karine Henry, directrice marketing chez Nexity, met en lumière l’exemple de cet immeuble de bureau en structure bois situé dans la continuité d’Euroméditerranée. « L’idée de ce rucher est apparue comme une évidence quand nous avons découvert le quartier, qui est par ailleurs l’un des plus pauvres d’Europe ». Aux côtés des commerces et services existants, le rucher du bâtiment a pris une place centrale dans la vie du quartier, en favorisant la biodiversité en ville tout en générant du lien social dont le quartier avait grandement besoin, répondant ainsi à plusieurs enjeux.
Implanter des ruches en ville, un vrai travail de fourmis
Installée dans une cour intérieure de l’immeuble, cette ruche « dotée d’une cheminée de trois mètres peut être installée dans n’importe quel domaine public et y compris au sein des écoles, car les abeilles volent toujours à trois mètres de hauteur, ce qui éloigne le danger », précise-t-elle. Outre la question essentielle de la sécurité, plusieurs paramètres doivent être intégrés dès la conception de la ruche, pour que le projet prenne tout son sens.
Grâce à un apiculteur pleinement dédié au site, un audit des jardins publics du quartier a ainsi été mené pour s’assurer que des plantes mellifères, essentielles pour les pollinisateurs, étaient bien présentes dans le secteur à moins de 3 km, distance jusqu’à laquelle les abeilles peuvent voler pour aller butiner :
« Il était nécessaire de réaliser une étude préparatoire pour savoir si l’implantation de cette ruche était viable, notamment pour s’assurer que les abeilles puissent suffisamment se nourrir pour aller approvisionner la ruche par la suite. Nous avons aussi demandé à nos acquéreurs et nos locataires de planter des essences aromatiques faciles à entretenir pour que les abeilles puissent butiner aussi à proximité de la ruche, comme du thym. Un vrai travail en amont a donc été mené sur les espaces verts pour que tous les acteurs de ce lieu soient sensibilisés à la cause de l’abeille, qui fait l’unanimité ici », précise Karine Henry.
À lire aussi
- Et si les villes devenaient d’immenses fermes ?
- Installer des ruches en villes, oui mais jusqu’à quel point ?
Un formidable outil de sensibilisation pour les plus jeunes
L’entretien de la ruche est assuré quotidiennement, et des sessions de formation ont été organisées un jour par mois pour que les collaborateurs deviennent autonomes et soient aussi apiculteurs à leur mesure. Une démarche reçue avec enthousiasme par les intéressés. Mais l’espoir que suscite ce rucher s’incarne avant tout par son écho auprès des enfants :
« Les écoliers traversent le quartier depuis leur école primaire pour venir jusqu’au site faire des ateliers pédagogiques autour du rucher. Il s’agit d’une démarche qui est tout sauf seulement symbolique, au contraire ce rucher fait vraiment partie de notre ADN. L’appropriation de ce sujet par les enfants constitue déjà un bénéfice notoire pour la prise de conscience de l’urgence environnementale dans les plus jeunes générations, se réjouit-elle. Une initiative qui a créé l’adhésion générale au sein du quartier, et qui a permis de mesurer la viabilité de ce projet. Ce rucher a ainsi pu être dupliqué sur d’autres opérations, notamment à Aix-en-Provence, toujours en couplant un espace de jardins partagés avec des ruchers pédagogiques à côté ».
De sa conception jusqu’au résultat final observable aujourd’hui dans le quotidien du quartier, le projet développé au sein des Docks Libres à Marseille fait ainsi figure d’exemple à suivre : il pourrait inspirer le développement d’opérations similaires partout en France, pour contribuer autant que possible à sauvegarder les pollinisateurs.