Chaleur urbaine : pourquoi les villes ont tout intérêt à devenir résilientes ?
À l’automne, tous les usagers de la ville en font le constat, l’été joue de plus en plus les prolongations. Mais pourquoi fait-il plus chaud dans les villes que dans les zones rurales ? Quelles sont les causes et les conséquences de la chaleur urbaine ? Quelles solutions existe t-il pour rendre nos villes plus résilientes face aux épisodes de chaleur ?
Mais pourquoi fait-il plus chaud dans les villes que dans les zones rurales ? Quelles sont les causes et les conséquences d’un tel phénomène ? Quelles solutions existe t-il pour rendre nos villes plus résilientes face aux épisodes de chaleur ?
Pourquoi nos villes sont si chaudes ?
Changement climatique et urbanisation
L’une des conséquences du changement climatique est l’augmentation de la température moyenne mondiale ainsi que la forte augmentation de la fréquence des vagues de chaleur. En 2019, 24 pays et territoires du monde ont battu des records de chaleur historiques, battant ainsi 2016 (comptabilisant 22 records de chaleur historiques) selon le chercheur international Maximiliano Herrera ; 2017 occupe la troisième place avec 14 records de chaleur.
Le deuxième facteur contribuant à l’augmentation de la chaleur en ville est l’intensification de l’urbanisation. Depuis 1950, la population urbaine mondiale a presque été multipliée par six, passant de 751 millions à 4,2 milliards en 2018. Les activités humaines intenses dans ces zones urbaines conduisent à un phénomène appelé « îlots de chaleur urbains ».
Le phénomène d’îlots de chaleur urbains
En raison de multiples facteurs, les centres-villes connaissent des températures nettement plus élevées que les zones rurales environnantes. En effet, les villes sont de plus en plus minéralisées : elles sont constituées de matériaux de construction denses qui ont la particularité d’absorber l’énergie du soleil. Elles sont également moins végétalisées et pêchent à fournir de l’ombre et à rafraîchir les espaces urbains notamment par le biais de l’évapotranspiration. Les bâtiments, selon leur morphologie, peuvent également empêcher le vent de circuler et de rafraîchir les rues. En outre, la chaleur résiduelle des moteurs de voiture, des climatiseurs et autres appareils énergivores vient s’ajouter à l’augmentation globale de la température de l’air. Ces facteurs sont à l’origine de ce phénomène d’îlot de chaleur urbain » : une zone urbaine dont la température peut varier jusqu’à 10 °C de plus que celle d’une zone rurale voisine.
Des défis croissants pour nos villes
Ce phénomène d’”îlot de chaleur urbain” aux États-Unis concerne plus de 80% de la population vivant dans les zones urbaines et il amplifie dangereusement les difficultés liées aux épisodes de chaleur dans les villes :
Détérioration de la santé publique : le stress thermique peut endommager les organes ou aggraver les maladies existantes et le risque d’hospitalisation. Selon les Centres de Contrôle et de Prévention des Maladies, parmi toutes les catastrophes climatiques auxquelles sont confrontées les villes, les canicules sont les plus meurtrières.
Augmentation de la consommation d’énergie : la demande mondiale d’énergie via climatiseurs devrait tripler, passant d’environ 2000 TWh aujourd’hui à 6200 TWh d’ici 2050. On estime également qu’une augmentation de 2 °C, causée par un “îlot de chaleur urbain”, peut accroître la consommation d’énergie jusqu’à 5%.
Pollution accrue : pendant les vagues de chaleur, l’air devient stagnant et piège les polluants émis, ce qui peut entraîner des réactions chimiques entre ces polluants primaires tels que l’oxyde d’azote (produit par les moteurs) et l’oxygène, produisant in fine de l’ozone.
Diverses complications économiques peuvent venir s’ajouter à cette liste : aux États Unis, il a été observé que les activités en extérieur diminuent systématiquement autour de 28-32 °C. Avec des températures situées entre 30-48 °C, le ralentissement d’activité peuvent devenir critique pour certaines. D’énormes pertes de productivité peuvent également être observées : l’économiste R. Jisung Park a conclu dans une étude que la productivité des travailleurs diminue de 2% pour chaque degré Celsius au-dessus de la température ambiante (25 °C).
Les épisodes de chaleur peuvent également déformer les rails, ce qui peut provoque des pannes de courant et coûter des milliards en perte de productivité.
En route vers la résilience
La résilience à la chaleur urbainE, qu’est-ce que cela signifie ?
Le concept de résilience à la chaleur peut se définir comme la capacité à construire un environnement capable de faire face et résister à des épisodes de chaleur intense. À l’échelle de la ville, le concept de résilience à la chaleur requiert une planification et une conception de stratégies pour développer cette capacité et garantir une qualité de vie décente aux citoyens malgré les défis futurs.
À l’échelle des villes, il existe de nombreuses solutions pour atténuer le phénomène de l’ICU.
- Végétation – Ajouter des arbres et de la végétation contribue à réduire la température de surface et de l’air grâce à l’ombre fournie et au processus d’évapotranspiration. Ce dernier peut réduire les températures de pointe de 1 à 5 °C.
- Toits et murs végétalisés – Couvrir un toit de végétation réduit la température de surface et améliore la gestion des eaux pluviales. Ces toitures végétales peuvent également être utiles pour abriter une certaine biodiversité.
- Toits blancs – Fabriqués à partir de matériaux réfléchissant la lumière du soleil et la chaleur, ils réduisent la température des toits et la consommation d’énergie. L’utilisation de matériaux à albédo élevé est une pratique courante pour atténuer la chaleur. Nous savons que les surfaces sombres absorbent davantage la chaleur du soleil. Malheureusement, aujourd’hui la demande de tuiles foncées dépasse encore largement celle de tuiles claires.
- Smart Growth – Ces pratiques couvrent un éventail de stratégies de développement et de conservation qui contribuent à protéger l’environnement naturel et, en même temps, à rendre nos communautés plus attrayantes, plus fortes économiquement et plus vivables.
- Rues fraîches – L’utilisation de matériaux de revêtement frais sur les trottoirs, les parkings et les rues permet de refroidir la surface de la chaussée et l’air ambiant, de réduire le ruissellement des eaux de pluie et d’améliorer la visibilité nocturne.
- Rues humides – Avant une vague de chaleur, il peut être efficace d’humidifier les surfaces des bâtiments et des routes pour réduire les températures. Cette tactique de refroidissement est utilisée dans les grandes villes comme Paris.
- Optimisation des bâtiments – Un bâtiment avec une masse thermique importante (granite, béton, terre crue, …) peut être un moyen efficace de maintenir les températures intérieures plus stables.
- Structures d’ombrage – L’installation de structures qui fournissent de l’ombre sur les rues, les trottoirs et les toits peut réduire la température de surface des matériaux et diminuer la chaleur absorbée par les rues.
Les villes font face à de nombreux défis aujourd’hui et la résilience à la chaleur est un aspect qui ne doit pas être négligé. Pour atténuer la chaleur, les actions individuelles restent limitées en comparaison aux initiatives menées à l’échelle de la ville. Il appartient donc aux municipalités de relever ce défi en investissant dans une stratégie d’adaptation au changement climatique. Les solutions pour rendre nos villes résilientes à la chaleur offrent des avantages à long terme sur le plan énergétique, sanitaire, environnemental et économique.
Pour déterminer la stratégie à adopter, les villes peuvent commencer par évaluer précisément leur situation thermique afin de définir les zones à cibler pour agir efficacement. Ensuite, pour mettre en œuvre les stratégies d’aménagement urbain les plus rafraîchissantes, les urbanistes et les développeurs urbains peuvent s’appuyer sur des simulations du microclimat urbain prenant en compte les données météorologiques et la morphologie de la ville en faisant appel à des entreprises d’ingénierie environnementale.