La démarche cradle to cradle dans le bâtiment est-elle une utopie ?
La démarche cradle to cradle (C2C) émerge aux États-Unis dans les années 2000. Alternative aux mouvances consuméristes et sur-productivistes, elle envisage le recyclage de l’objet dès sa conception. Autrement dit, un objet certifié C2C doit être recyclable à l’infini en ne nécessitant que peu d’énergie pour la production. En plus de participer à l’essor de l’économie circulaire et au développement d’une empreinte bénéfique de l’humanité sur son environnement, le cradle to cradle modifie drastiquement notre regard sur la ville.
La conception cradle to cradle d’un produit commence à se populariser en France sous l’impulsion de l’association française C2C Community. L’objectif n’est pas de promouvoir le recyclage mais l’upcyclage, c’est-à-dire le maintien de la qualité des matières premières d’un produit tout au long de ses multiples cycles de vie. La matière n’est ainsi jamais détruite, mais convertie, transformée pour donner naissance à un nouvel objet. Ce processus d’autonomisation du produit doit être reproductible à l’infini pour obtenir la certification C2C, qui n’est pas spécifique à un secteur industriel mais qui est globale. La démarche du « berceau au berceau » est systémique, elle considère n’importe quelle matière comme une ressource utilisable, et elle privilégie les énergies renouvelables et la coopération entre différents matériaux pour créer et recréer sans cesse ses objets.
En France, l’économie circulaire est encore trop associée à la gestion des déchets, c’est pourquoi le recyclage connaît un véritable essor depuis quelques années. En revanche, la certification C2C est plus complexe à obtenir : « Certaines entreprises découvrent parfois la composition réelle de leurs produits et ont de mauvaises surprises. La transition vers une économie circulaire n’est pas toujours simple », déclare Anne de Béthencourt, déléguée générale de l’association française C2C Community au Journal de l’Environnement. La conception cradle to cradle est donc particulièrement exigeante pour les entreprises, qui doivent bien souvent revoir tout le processus de production de leurs produits pour rentrer en conformité avec le label.
Pour remplir les critères, il faut analyser la conception chimique d’un produit en remontant la filière de tous ses fournisseurs afin de mesurer la toxicité des différents matériaux sur la santé et l’environnement. La quantité d’énergie nécessaire à la production d’un produit est également prise en compte :
- Est-ce une source d’énergie renouvelable ?
- Pour quelles émissions de gaz à effet de serre ?
- Pour quelle consommation et pollution de l’eau ?
Aujourd’hui plus de 10 000 produits sont certifiés C2C dans le monde et près de 500 entreprises sont investies dans la démarche. Mais, en France, seulement une vingtaine d’entreprises sont concernées, principalement dans les produits d’entretien.
Un nouveau berceau pour l’immobilier ?
Plus qu’un label qui impose le respect de normes rigides, le cradle to cradle privilégie l’innovation dans le secteur immobilier grâce à un véritable changement de paradigme : l’objectif n’est pas de réduire l’empreinte humaine sur la nature mais d’imiter celle-ci, de sorte que la notion de déchet disparaisse entièrement. Les bâtiments doivent donc avoir une empreinte bénéfique pour l’environnement et les personnes qui y vivent, réduire ou compenser l’empreinte humaine n’est ici pas suffisant. Mais, un bâtiment entièrement certifié C2C n’existe pas. Selon Michael Braungart, cofondateur du mouvement, un tel bâtiment ressemblerait « à un garage ». Or, il veut privilégier la diversité et l’innovation dans ses immeubles avec par exemple une peinture constituée d’un micro-organisme qui se nourrit des polluants présents dans l’air. Grâce à des procédés innovants, un immeuble peut-être amené à purifier l’air mais aussi l’eau. C’est ainsi par l’architecture elle-même que le bâtiment se connecte à son environnement, comme un arbre dans une forêt.
Rien ne se perd, tout se transforme grâce à la démarche cradle to cradle
De plus, les avantages sont nombreux pour les constructeurs immobiliers. D’abord, un bâtiment qui maximise le bien-être de ses occupants les rendra également plus productifs. Ensuite, les objets certifiés C2C peuvent avoir des effets positifs comme « un tapis qui nettoie l’air, qui réduit ainsi les maladies dues à la pollution de l’air », détaille Michael Braungart. Enfin, selon lui, les produits cradle to cradle sont en moyenne 20% moins chers à fabriquer puisqu’ils sont conçus avec moins de matières premières et de composants. La plupart des matériaux, en plus d’avoir une empreinte bénéfique sur les occupants et sur l’environnement, seront réutilisables, puisque rien ne se perd et tout se transforme dans la démarche cradle to cradle.