L’agriculture urbaine et périurbaine face à l’étalement urbain : repenser l’aménagement du territoire
Les espaces périurbains ont été grignotés par la superficie grandissante des villes. La crise sanitaire a révélé l’urgence d’un réaménagement du territoire, loin de la densification des métropoles et plus proche des enjeux écologiques portés par les circuits courts, locaux et biologiques. L’heure est à l’agriculture urbaine et périurbaine et leur pendant : l’autonomie alimentaire.
Ces dernières années, les politiques d’urbanisme s’attèlent à désengorger les centres villes en multipliant les zones d’activités périphériques. L’objectif est ainsi de créer des pôles d’attractivité économique et donc de générer de nouveaux viviers d’emplois. Cependant, en concentrant l’activité autour des villes, c’est l’espace normalement réservé à l’agriculture périurbaine qui est réquisitionné. Dans cette lutte constante de l’urbanisation sur la ruralité, les exploitations agricoles les plus précaires sont vouées à disparaître, cédant leurs terrains au nom de l’étalement urbain.
Toutefois, l’étalement urbain n’est pas incompatible avec la création de nouveaux espaces verts, ni même avec le développement de l’agriculture urbaine et périurbaine. En témoigne les nombreux projets qui fleurissent en France, tirant partie le plus souvent d’un nouvel aménagement de la toiture des immeubles. En effet, l’Association française d’agriculture urbaine comptabilisait 6 projets en 2013 contre plus de 300 aujourd’hui. L’aménagement du toit de l’Opéra Bastille en un potager de 2500m2 montre que la densification n’entrave pas le développement d’une agriculture urbaine. Un potager qui permet par ailleurs de soutenir le personnel soignant de l’hôpital Saint-Antoine durant la crise sanitaire, en leur faisant profiter d’une partie de la production.
Repenser la place de l’agriculture dans la ville
Des projets agricoles de plus en plus novateurs s’inscrivent dans des espaces restreints et même parfois dans des zones abandonnées. Ainsi, sous des immeubles HLM de la porte de La Chapelle se trouve une ferme urbaine de 3500m2 dans un parking souterrain désaffecté. L’occasion de cultiver des légumes variés sous une lumière LED, six pieds sous terre. Nul besoin ici de pesticides ou d’OGM, la production bio et locale alimente les restaurateurs et les particuliers à proximité. Le renforcement systématique de l’agriculture urbaine et périurbaine permettrait donc de consolider le développement des circuits courts nécessaires à la transition écologique et énergétique en limitant par exemple les imports de fruits et légumes.
La sensibilisation et l’initiation sont aussi au coeur de certaines fermes urbaines et périurbaines comme V’ile Fertile, construite en 2013 aux abords du bois de Vincennes. Les 50 membres de l’association participative ont ainsi récupéré un sol contaminé pour le transformer en une terre agricole de 1000m2, qui accueille une grande serre et une plateforme de compostage. Le maraîchage urbain devient ainsi créateur de lien social, un service culturel à disposition des citoyens.
La question majeure de la construction est dorénavant de préserver les zones agricoles urbaines et périurbaines. « Tout le sujet qui se pose est d’arriver à concilier le développement de nouveaux quartiers, le réaménagement de la ville sur elle-même, et la préservation de zones naturelles », nous déclarait Jean-Philippe Dugoin-Clément, Maire de Mennecy et vice-président de la Région Île-de-France, en charge de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Aménagement Urbain. Il rappelle que pour limiter les effets négatifs de l’étalement urbain sur l’agriculture périurbaine, la région Ile-de-France a lancé un “plan friche” pour réhabiliter les friches industrielles afin de créer de nouveaux logements. Ce sont également les locaux économiques qui seront transformés en lieux de vie grâce à l’essor du télétravail. Différentes manières de faire cohabiter l’essor de la ville avec le développement d’une agriculture biologique et locale.
De l’agriculture urbaine et périurbaine à l’autonomie alimentaire
La Convention Citoyenne pour le Climat s’est emparée du débat sur l’artificialisation des sols, inséparable de l’étalement urbain, en détaillant un arrêté : « interdire toute artificialisation des terres tant que des réhabilitations ou friches commerciales, artisanales ou industrielles sont possibles dans l’enveloppe urbaine existante. » Autrement dit, la CCC souhaite encadrer l’aménagement du territoire pour préserver les espaces naturels périurbains. Ici, l’agriculture périurbaine représente un enjeu considérable pour des métropoles qui s’appuient sur une production locale et biologique afin de construire leur autonomie alimentaire.
Sous l’impact de la mondialisation, l’autonomie alimentaire des villes s’est effacée au profit d’une augmentation des imports en fruits et légumes notamment. Le confinement a toutefois rebattu les cartes en soulignant l’importance d’une production locale en cas de fermeture des frontières. Comme nous le soulignions il y a quelques mois, l’agriculture urbaine et périurbaine permet déjà de nourrir 10% de la population mondiale en réduisant de 90% la consommation d’eau par rapport à une culture classique, mais aussi en supprimant l’usage des pesticides et en réduisant le transport.
La quête de l’autonomie alimentaire est un idéal contemporain en phase avec les enjeux écologiques de notre temps et qui permettrait aux délaissés de la mondialisation de donner du sens à leurs activités journalières. C’est à la fois un enjeu territorial, économique et social. En repensant dans le débat public la place du périurbain dans l’aménagement du territoire, les citoyens envoient un message fort : l’étalement urbain doit s’arrêter là où la quête d’une vie plus proche de la nature commence.