La ville du quart d’heure, ou comment répondre aux attentes de proximité et de local
Excentrée, développée en périphérie, la ville revient à son centre depuis quelques années. Une tendance confirmée par le vécu de la crise sanitaire et particulièrement du confinement. Les usagers sont en attente de proximité, de local. Oui mais comment ? Le point avec Stéphane Crémel, Directeur commerces chez Nexity Villes et Projets.
La crise sanitaire et l’expérience du confinement ont remis au goût du jour les vertus des circuits courts de consommation et semblent avoir dopé l’attractivité des villes moyennes, y voyez-vous une mode ou une évolution plus profonde de notre rapport à la Ville ?
S’il est encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives, il me semble que l’expérience que nous venons de vivre a surtout accéléré des changements dont nous ne percevions jusque-là que des signaux faibles. Les consommateurs ont montré pendant ce confinement leur attachement pour le commerce de proximité et militent désormais pour des produits et des commerces porteurs de sens qui répondent aux valeurs d’authenticité ou de consommation locale. Le commerce doit désormais s’intégrer au territoire afin que le déplacement ne soit plus une contrainte. Avant même la crise sanitaire et dans un grand nombre d’agglomérations, la question de l’attractivité du centre-ville faisait déjà l’objet d’une attention renouvelée de la population comme des pouvoirs publics. Elle s’impose désormais comme un enjeu majeur pour la Ville de Demain et c’est une bonne nouvelle !
Le centre-ville, c’est souvent le premier visage d’une agglomération. Il faut donc qu’il soit vivant, dynamique et attractif. Dans cette « ville du quart d’heure » qui semble avoir conquis les esprits, la commercialité est bien entendu essentielle, mais ce n’est que l’une des facettes d’un sujet plus large. Pour traiter le centre-ville, il faut réfléchir à la production de logements, à l’accessibilité ou encore la requalification des équipements et des espaces publics.
Vous évoquez le rôle des commerçants de centre-ville mais nombre d’entre eux sont précisément fragilisés par les conséquences économiques de la crise sanitaire, comment dès lors agir efficacement à l’échelle du territoire ?
Il faut bien faire la différence entre l’urgence et le traitement de moyen ou long terme. Dans certaines villes, la crise va faire bondir le taux de vacance commerciale de 4 points ce qui, selon les situations de départ, peut suffire à déclencher une spirale néfaste à l’ensemble du centre-ville : moins de commerçants, c’est moins de passage et c’est donc aussi la fragilisation rapide d’autres acteurs. Il est donc important de désamorcer rapidement ce mécanisme en soutenant les acteurs en difficulté ou en facilitant la reprise de leurs locaux.
A plus long terme cette fois, un haut niveau de vacance commerciale, c’est surtout le symptôme d’un cœur de ville qui vit mal et ne donne plus envie à la population alentour de s’y rendre et encore moins de s’y établir. La priorité, c’est donc de construire une stratégie qui permette au centre-ville de retrouver sa vocation première : un lieu de vie, de rencontre, d’échanges et d’expériences. En fait, le cœur du sujet c’est de refaire du centre-ville un espace désirable et donc une destination.
Concrètement, comment construire cette stratégie ?
Sans grande surprise, l’important est d’abord de bien comprendre l’écosystème du centre-ville, c’est-à-dire à la fois l’offre déjà présente, les attentes des habitants mais aussi la manière dont s’organisent les flux passants. Dans un second temps, c’est à la collectivité qu’il appartient de définir ses priorités, à la fois les rues stratégiques sur lesquelles elle souhaite renforcer l’offre commerciale et le type d’acteurs qu’elle souhaite attirer pour compléter l’offre de son centre-ville. Une fois que ce travail a été fait, il faut concentrer ses moyens et ses actions pour enclencher une dynamique vertueuse sur le territoire ciblé. En dehors de ce périmètre, on travaillera à l’inverse sur un scenario de reconversion des locaux commerciaux. Une possibilité est par exemple d’alléger les contraintes pour laisser ces rez-de-chaussée se transformer en locaux d’artisans, en cabinets médicaux ou professions libérales.
J’ajoute un point qui me semble important, la lumière qu’attire désormais le centre-ville ne doit pas faire perdre de vue les autres quartiers. Les entrées de villes, en particulier étaient hier dédiées à une autre forme de commercialité, elles doivent elles-aussi évoluer afin d’éviter l’apparition de friches commerciales. L’idée ne doit pas être de jouer les unes contre les autres mais bien de remettre de la mixité partout.
Vous parlez de concentrer des actions mais l’animation commerciale, c’est d’abord l’affaire des commerçants, quels sont en la matière les leviers aux mains des collectivités ?
En réalité ces leviers sont déjà assez nombreux. Pour peu qu’ils soient activés de manière forte et cohérente, ils permettent d’ores et déjà de travailler et c’est précisément le rôle de Nexity Solutions Commerces, que de dessiner cette cohérence et d’accompagner les collectivités dans la mise en œuvre. Il y a d’abord les outils règlementaires classiques, comme par exemple le droit de préemption urbain ou commercial mais aussi les taxes sur les friches commerciales, qu’il faut activer et utiliser à bon escient. Il y a également la politique de dynamisation du centre-ville à proprement parler, qui impliquera selon les cas, la nomination d’un manager de centre-ville, appelé à mobiliser et fédérer les commerçants autour de l’objectif de revitalisation, le soutien à l’organisation d’opérations évènementielles, une refonte du plan de circulation et de stationnement, le développement de l’offre de transports publics, ou le développement de nouveaux services. Mais encore une fois, la première chose à faire c’est de fédérer l’ensemble des acteurs, publics, privés, commerçants, riverains et associatifs, autour d’un projet commun et partagé.