Comment transformer les ports pour les rendre plus intelligents ?
Les ports, ce sont ces lieux transitoires souvent synonymes, dans notre esprit, d’exotisme et d’escapade. Mais ils sont aussi le berceau de l’essor du tourisme et du commerce à l’échelle mondiale. Et dans ce milieu où la concurrence se fait de plus en plus rude, les ports maritimes de part et d’autre du monde misent sur la révolution numérique pour rester dans la course, se démarquer et répondre aux enjeux actuels. Ont-ils déjà leur place dans la smart city ?
L’urgence écologique, source de motivation vers des ports plus intelligents
Depuis 2014, le secteur du transport maritime ne cesse de progresser : il représente aujourd’hui 80 % du commerce international en termes de volume et 70 % en valeur. En une année, cela représente 10 milliards de tonnes de marchandises transitées. Mais derrière ces chiffres impressionnants se cache une problématique majeure, celle de l’écologie.
L’Organisation maritime internationale (OMI) souligne en effet l’urgence de réduire les émissions de gaz à effet de serre du transport maritime qui représentent 2,5% du total mondial. Ce chiffre risque d’être multiplié par 2,5 d’ici 2050 si les ports ne migrent pas vers un fonctionnement plus intelligent.
Rotterdam : premier port d’Europe et exemple de port intelligent
Le défi du port de Rotterdam ? Devenir le port le plus intelligent du monde ! En s’associant à IBM et en misant sur l’IoT (internet des objets), le port néerlandais ne compte pas stopper sa progression, bien au contraire. Cela fait déjà plus de 15 ans que le port de Rotterdam dispose d’un système de gestion portuaire, permettant de collecter de précieuses informations comme la profondeur d’eau des bassins, le mouvement des vents et des courants. Mais d’ici 2025, le port souhaite également être en mesure d’accueillir des navires connectés.
Paul Smits, le directeur financier du port de Rotterdam chargé de l’innovation, soulève les obstacles écologiques aux origines de leur évolution intelligente : “Couvrir efficacement les 120 km² du port avec des capteurs flottants serait très polluant, alors nous travaillons à embarquer ces objets connectés sur les navires”. L’ensemble des informations convergent ensuite vers une plateforme IBM dotée d’intelligence artificielle, pouvant ainsi prédire le moment idéal pour faire accoster les navires. Le coût d’une heure d’attente dans le port ayant été estimé à 80 000 €, cette technologie permettra de réaliser de fortes économies et aidera également à fluidifier le trafic entraînant une plus grande compétitivité.
Marseille et Le Havre naviguent vers un futur prometteur
Face à l’avance prise par les plus grands ports européens, les Français prennent à leur tour les dispositions nécessaires pour tirer parti des avancées numériques et tenter d’égaler les géants du Nord. Marseille, avec 81,9 millions de tonnes traitées en 2018 et Le Havre, avec 68,2 millions de tonnes, sont les seuls à figurer dans le top 10 des ports européens. Ils se doivent donc de montrer l’exemple.
Lancé par le port du Havre, le projet “Smart Port City” s’est fixé trois objectifs sur 10 ans : la transition écologique, la transformation technologique et la construction d’une meilleure interface entre le port et la ville. Parmi ces projets concrets, la Halle Technologique deviendra le lieu d’expérimentation de référence autour de la construction d’un modèle portuaire innovant. Les startups auront la possibilité de tester leurs nouvelles idées et solutions en matière de fluidification de la marchandise, de cybersécurité et de logistique.
Grâce à son nouveau terminal de croisière Smart Cruise, le port du Havre assure sa position en tant que port d’escale et d’embarquement pour croisière maritime (en 2017, 400 000 croisiéristes ont été accueillis). Smart Cruise offrira, aussi bien aux membres de l’équipage qu’aux croisiéristes, un panel de services connectés comme des visites virtuelles ou des applications dédiées.
Face à la concurrence des ports méditerranéens de Barcelone et de Gênes, Marseille accélère également le développement numérique de son port en donnant la parole à ses habitants. En février 2019, les 7 lauréats du Smartport Challenge ont été dévoilés. 41 startups françaises avaient candidaté pour relever l’un des 7 défis pour dessiner le futur du port de Marseille :
- Comment optimiser les opérations portuaires ?
- Comment s’appuyer sur les énergies renouvelables pour le raccordement des navires au réseau électrique ?
- Comment réduire les émissions de gaz à effet de serre du transport de fret ?
- Comment mieux informer les usagers sur et autour du port ?
- Comment mesurer la capacité des batteries avec un capteur à bas coût ?
- Comment informer les chauffeurs de la position à quai d’une remorque ?
- Comment établir une cybercartographie portuaire ?
La startup Searoutes, un service de suivi de planification et d’optimisation des routes pour les navires marchands, est la grande gagnante du défi lié à la réduction de gaz à effet de serre. Grâce à ses algorithmes, Searoutes sera capable de calculer les routes les moins coûteuses en matière de carburant, grâce à l’historique des trajectoires passées.
Il faudra encore un peu de souffle pour propulser les ports maritimes français dans la même direction que Rotterdam, Anvers ou Hambourg. Mais le cap est désormais donné : l’intelligence numérique associée à l’intelligence collective donnera naissance à un nouveau modèle de port connecté, optimisé et surtout, smart !